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  • Photo du rédacteurJessica Gérondal Mwiza

Que fait le Rwanda au Congo ? Le cas Mukwege (4/4)

Mise au point au sujet des théories construites sur le terreau de l’antitutsisme et du racisme, aussi bien assumés qu’intériorisés par les acteurs du débat.


Partie 3-2 Que seraient ces accusations sans leurs intouchables porte-voix ?


Le prix Nobel et sa noble cause




Tout ceci ne constituerai pas une pièce parfaite sans la voix des parangons de vertu en appui stratégique. Cité tour à tour par les génocidaires, leurs familles, amis et défenseurs, par la France et par les politiciens congolais (pas tous, certains commencent à craindre sa trop grande aura), le Dr Mukwege vient parfaire le tableau des accusations anti-Tutsi. Il se trouve désormais à l’aise dans un registre martial, à coup de cris de guerre : “Debout, Congolais! Nation en danger, Ce sont les mêmes qui nous tuent !” peut-il twitter. Une étrangeté lorsque l’on sait que sa clinique de Panzi accueille - depuis le début et durant la majorité de son existence - ces femmes dont les enfants sont appelés “Interahamwe” car issus du viol par les miliciens Hutu, sur le même modèle qu’au Rwanda lors du génocide contre les Tutsi. Ce fait massif a été soigneusement mis au placard, comme si les souvenirs du bon docteur s’étaient évaporés.


Le viol comme arme de guerre, d’abord ignoré s’agissant du Rwanda pendant le génocide contre les Tutsi, fait alors systématique et indiscutablement politique, devient l’obsession mondiale des humanitaires s’agissant du Congo.

Et ce, non sans raison aucune. Au Congo les viols sont perpétrés partout, tout le temps. Ils sont perpétrés dans leur écrasante majorité au sein des cercles familiaux, du voisinage et ainsi que par les autorités légitimes du pays. Ensuite, viennent les responsabilités des milices.


Quels que soient les responsables, il faut effectivement prendre à bras le corps la question des violences sexistes et sexuelles endémiques au Congo RDC, un pays où les femmes vivent un enfer sur terre. Les bénévoles et professionnels accueillant ces femmes - primo arrivantes en Occident - tous les jours, tous les mois et toute l’année le savent mieux que quiconque. Des histoires de vies terriblement traumatisantes ponctuées de violences masculines répétées, perpétrées par leurs entourages proches ainsi que par les autorités légales. Pourquoi Denis Mukwege ne voit-il aucun des coupables réels mais vise fermement le Rwanda voisin ?


Dans l’enquête de l’excellente Revue XXI Que celles qui ont été violées lèvent la main, Marion Quillard rappelle l’évidence : le viol est devenu un véritable business pour les ONG. Aux premières heures de ce nouvel intérêt occidental, on ressasse le chiffre de 500 000 femmes violées dans l’est du Congo, à l’envi, jusqu’à l’écoeurement. Violées avec un fusil, avec des branches d’arbres … d’après les témoignages. Ce qui évoque les exacts mêmes procédés utilisés par les miliciens durant le génocide contre les Tutsi.


Au moment de l’enquête, les associations sont au nombre de 300 à Bukavu. Chacune veut sa part du gâteau alors que les dollars pleuvent sur cette noble cause. Les activistes locaux sont dépossédés de leur savoir et de leur expérience. Beaucoup se retirent, laissent leur place. L’hôpital de Panzi est désormais mis en lumière, les femmes y étant opérées grâce à des techniques inédites. Le chargé de communication devient débordé face à l’engouement provoqué. Pas un jour, dit-il, sans sollicitations extérieures : humanitaires, politiques en campagne, documentaristes… Hillary Clinton. Entre 2004 et 2013, 19.176 femmes sont reçues au dit hôpital. Les médias du monde entier répètent que le Dr Mukwege a réparé 40.000 femmes, pour un effet bien plus marquant.

Lorsqu’il est interrogé sur ces chiffres, le docteur hausse les épaules et admet que les journalistes “veulent du piquant”. Qu’en est-il des 500 000 femmes violées au Congo ? Il s’agirait du même procédé de gonflage des chiffres puisque ceux-ci ne sont pas avérés. Selon l’ONU, 200 000 femmes ont subi un viol sur l’ensemble du territoire congolais et ce depuis 1998. Au milieu de l’horreur et de l’insanité de la situation : où se trouve la récupération politique et où se trouve la vérité ?


Aussi, lorsqu’on lui demande ensuite des précisions sur les cas médiatisés d’enfants violés et torturés dont il parle souvent lors de ses discours - les rumeurs parlent de mysticisme et d’hommes qui espèrent gagner force et richesse par ces actes, pratique existant en effet au Congo, rien à voir avec des victimes de guerre donc - sa réponse se fait lapidaire. “C’est la même chose”. Curieuse réaction.


Un avocat de Panzi est également questionné durant l’enquête. Sur 64 de ses dossiers de violences sexuelles, 3 ont été perpétrés par des milices, 2 par des militaires congolais et les 59 autres … par des civils ! Ce qui correspond à la réalité du terrain la plus connue.


La plupart des femmes passant par l’hôpital le plus célèbre du Congo viennent y faire un test de grossesse, prendre une pilule du lendemain ou encore des antirétroviraux et antibiotiques. Les opérations chirurgicales dues à un viol avec violence sont rares selon Médecin Sans Frontières. Ce qui est bien moins impressionnant et parlant pour un public non averti que “500 000 femmes congolaises violées à cause du Rwanda” … et c’est pourtant ce qui est le plus facilement clamé et cru.


On peut imaginer qu’il serait bien moins aisé pour Denis Mukwege d’être héros national en accusant ses compatriotes, citoyens lambdas, d’être les principaux agresseurs des femmes Congolaises. Ou encore, que ses tournées triomphales à l’intérieur et à l’extérieur de son pays seraient plus difficiles à organiser s’il pointait nominativement les politiciens congolais dans leur action quotidienne de pillage et de destruction de leur propre pays.



Portés par la puissance de leurs soutiens médiatiques, les officiels Congolais dont le principal actuellement, le Président Félix Tshisekedi, inventent des massacres et usent de surenchères verbales et raciales au sein de leurs discours. L’étape suivante consiste souvent à aller pleurer et ramper sans dignité aucune auprès de l’ONU afin d'obtenir des sanctions contre “le diabolique Rwanda”, tout en renégociant les accords qui arrangent les parties occidentales et chinoises afin de continuer le pillage légalisé et accepté du Congo.


A titre d’exemple, dans le cas des "massacres de Kipupu" au Sud-Kivu: le chiffre de 220 victimes initialement annoncé par des parlementaires provinciaux, a finalement été ramené à 15 après qu'une mission conjointe MONUSCO - gouvernement de la RDC se soit rendue sur place le 29 juillet 2020.

Nombreux sont ceux qui colportent les rumeurs et les valident très officiellement, puis, plus personne ne répond présent lorsqu’il s’agit de rectifier le tir avec la même force. Il est à parier qu’il en sera de même pour les événements de Kishishe.


Ce genre d’accusations en miroir met en danger les communautés Tutsi du Sud Kivu, dit “Banyamulenge”, ainsi que les Tutsi congolais du Nord Kivu dont les massacre réels, perpétrés par des milices locales "Maï-Maï" et - ou FDLR sont effectués au vu et au su de l'armée Congolaise et des forces des Nations Unies. De cela, Mukwege ne parle jamais.



Conclusion


Au-delà de ces grands arguments facilement déconstruits, ainsi que la posture de leurs prestigieux vecteurs, plusieurs questions restent à poser.


1- Où est l’argent supposément détourné par l’alliance Tutsi internationale ? Car au Rwanda, nous avons beau regarder partout, jusqu’à preuve du contraire nous sommes plutôt toujours dans la moyenne basse du classement des pays par richesses.

Nos politiques, qu’ils soient ministres ou députés ne peuvent toucher plus de l’équivalent de trois mille dollars par mois. Ils et elles vivent sur nos collines, dans nos quartiers ou l’on ne trouve ni voitures de luxe ni piscines à débordement.


2- Qui est corrompu, qui vole réellement ? Car dans le même temps, le voisin Congolais paye ses parlementaires 20.000 dollars par mois pour la partie déclarée uniquement. Il ne se passe pas une semaine sans scandale de détournement de fonds pour plusieurs millions par l’un d’entre eux; députés ministres ou ambassadeurs. Les ponts et infrastructures des campagnes sont inaugurés puis s’effondrent dans la semaine, voire en pleine inauguration. Les membres de l’armée congolaise font de bruyantes fêtes des semaines durant lorsqu’ils sont mutés au Kivu.


Le vol, le pillage et les viols s’effectuent par des Congolais sur le dos des autres Congolais. Officiels comme citoyens lambdas. Il leur faudra commencer à voir la vérité en face afin de cesser la stratégie des accusations du Rwanda voisin, dont les citoyens observent la litanie avec tristesse, à partir d’un pays qui fonctionne sans corruption, à la sueur de ses travailleurs acharnés et à l’aide d’une répartition des richesses entre catégories sociales inégalée.

Il suffit de se rendre au Rwanda pour comprendre pourquoi le Rwanda réussi. Spoiler alert : le chaotique Congo - son sol, son sous - sol - n’y sont pour rien.


3 - Où sont les occidentaux ? Lorsque l'on réfléchit cinq minutes - si cela est possible concernant les histoires africaines - les minerais du Congo servent aux entreprises majoritairement anglo-saxonnes et chinoises. De nombreuses entreprises françaises lorgnent également sur le Kivu, Total, par exemple, fouillant activement les Virunga. Pourquoi celles et ceux qui écrivent des pamphlets racistes sur le Rwanda et créent des documentaires et autres productions sans queue ni tête sur le pillage fantasmé par les Tutsi ne se précipitent jamais pour filmer, nommer les Occidentaux qui troquent billets et armes contre minerais dans d’incessants allers-retours des avions de commerce au Kivu ? Cela n'intéresse-t-il personne ?

Que dire du bilan de la MONUSCO, par ailleurs. De son fonctionnement, de son financement, de ses exactions ?


4 - Qui est visé par les tueries ? La seule population actuellement politiquement visée par les massacres - directement incités par des discours publics des officiels congolais - sont les Tutsi congolais.


Que fait le Rwanda au Congo ? Rien, vous l’aurez compris. A part, parfois, des actions militaires officielles décidées et mises en place conjointement entre le Rwanda et la RDC. Des actions qui sont bien souvent l’occasion de s’arracher les cheveux face à la puissance de l’idéologie anti-Tutsi : Vous avez un accord, très officiel et signé devant témoins de collaboration militaire entre le Rwanda et le Congo pour désarmer les FDLR. La mise en place de celui-ci débute, cela ne dure jamais longtemps malgré l’efficacité de ces collaborations menant à des arrestations saluées par les quelques spécialistes sérieux de la région (notamment dans Jeune Afrique ..). Puis, quasi-instantanément, des photos pullulent sur le net. Elles sont postées par des Congolais hurlant à l’invasion Rwandaise avant d’être reprises sur Twitter par des officiels Congolais, pourtant bien au fait de la légalité des actions en cours. Only in Congo.



Le génocide contre les Tutsi a été un pic dans la progression de l’idéologie anti-Tutsi dans la région et dans monde et ce pic n’est tout simplement jamais redescendu. Il s’ancre, prend de nouvelles racines et éclôt sous de nouvelles formes selon les besoins politiques et économiques des uns et des autres, sur le moment.


Quelle folie alors, d’entendre et de lire de toute part - sur le même procédé que l’accusation antisémite : “on excuse tout à Israel à cause de la Shoah” - que le régime de Kigali commettrait des exactions en toute tranquillité car “les US et l’occident se sentiraient coupable d’inaction lors du génocide contre les Tutsi de 1994” ?


Mais de quel sentiment de culpabilité parlent-ils ? Au Rwanda, personne ne l’attend ni ne le quémandera, mais parfois, il aurait été le bienvenu :

Afin que les américains et autres Anglo-Saxons cessent d’utiliser de façon officielle un jargon négationniste dès lors qu’il s’agit d’évoquer le génocide perpétré contre les Tutsi.

Afin que les procès de génocidaires aient lieu avant leur mort sur le sol sur lequel ils ont trouvé un doux refuge, souvent en France et dans de nombreux pays africains, qu’ils soient extradés au Rwanda le cas échéant.

Afin que les médias s'intéressent réellement à ces procès lorsqu’ils ont lieu (si jamais leur degré d’empathie et d’intérêt n’était pas fixé sur celui de leur négrophobie).

Afin que de réelles réparations financières soient versées aux rescapés ainsi qu’au Rwanda.


Il n’en est rien, il n’en sera rien. Aucune forme de culpabilité n’existe et n’a jamais existé. C’est la Monusco ainsi que les ONG idéologisées et méprisantes envers l’Afrique qui récupèrent lauriers et financements. Par ailleurs, partout ou ces Européens et Anglo-Saxons passent et s’installent en RDC, le prix de la vie augmente de façon indécente et complique le quotidien des locaux, tant leur vie est celle de pachas. Le Rwanda post-génocide avait eu la clairvoyance de ne pas laisser les vautours s’installer à leurs aises, ce qui provoqua leur courroux sans fin.


Quelle culpabilité enfin, lorsque Paul Kagame, leader de la libération du Rwanda, moteur de sa stabilité actuelle, incontestablement et objectivement le président le plus remarquable de notre temps - quand bien même cela empêche de dormir les soi-disants “héros”, tartuffes créés de toute pièce par les occidentaux - est dépeint dans d’immondes caricatures anti-Tutsi dans l’approbation générale ? Sur le modèle des caricatures antisémites qui provoquent habituellement émotion et condamnations ?


Maintenant que le problème est posé, que faire face à ces manipulations cycliques et face à cet antitutsisme en passe de dépasser - en termes d’efficacité et de non remise en question - l’antisémitisme en Europe ?


  • Les humanistes et journalistes occidentaux doivent se réveiller de leur torpeur raciste.

  • Les panafricanistes du continent Africain, mais aussi les activistes antiracistes, afrodescendants européens et américains doivent sortir de leur propre enfermement intellectuel et de leur vision négrophobe intériorisée du continent africain.

Gobineau a pris corps dans les analyses de la plupart d’entre eux et ils ne peuvent voir le Congo autrement que comme une pauvre petite chose incapable, innocente et meurtrie de toute part. Il s’agit de raisonnements terriblement pauvres et artificiels en termes de système de pensée et inefficaces d’un point de vue militant. C’est en tout cas tout, sauf anti-colonial.


  • Les Rwandais au pays et en diaspora doivent reprendre la bataille culturelle contre l’antitutsisme tous les jours et dans tout cadre. Nous entendons et lisons trop de “les chiens aboient la caravane passe" entre nous. Non “les gens” ne vont pas faire le déplacement et déconstruire tout seuls les mensonges criés et répétés par des milliers toute la journée, tous les jours. Il s’agit là d’une erreur fondamentale alors que nous vivons dans des sociétés où la vérité seule ne suffit plus. Nos héros fêtés une fois l’an via un post instagram n’ont pas libéré le pays du Hutu Power pour que nous en goûtions les fruits sans poursuivre le combat sur le terrain des idées.


Il est du devoir de chaque Rwandais plus ou moins jeune de se renseigner rigoureusement sur notre histoire politique récente. De déconstruire les idéologies raciales et coloniales.

Rwandaises et Rwandais ayant vécu en exil au Congo, écrivez vos histoires et témoignages, faites parler vos parents et grands-parents.

Banyamulenge, Tutsi Congolais, transmettez vos récits. Afin que ce partage d’expériences, de chair et de cœur terrasse l’affreuse brume des rumeurs.



Sources :


Livres


La nuit rwandaise numéro 7 (2013) Kivu, la remobilisation meurtrière du racisme, édition Izuba.


Chrétien, J., Kabanda, M. (2016). Rwanda. Racisme et génocide: L'idéologie hamitique. Belin. https://doi.org/10.3917/bel.kaban.2016.01


Saint-Exupéry, P. (2021). La traversée. Les arènes.


Johnson, R. (2014). Rwanda, la Trahison de Human Rights Watch. Izuba Editions


Articles




“Que celles qui ont été violées lèvent la main”, enquête de la revue XXI largement cité ici, disponible en intégralité :


Documentaire


“Rwanda, le silence des mots”. Gaël Faye. https://www.youtube.com/watch?v=VCfjB7hiO-4


Rapport


https://panafricanreview.rw/what-really-happened-in-kishishe-drc-2/ (rapport disponible en français sur les récents évènements de Kishishe).


Communiqué de presse


https://ishamifoundation.org/press-releases/ (communiqués de presse concernant l’inquiétude actuelle des associations face aux meurtres systématiques des Tutsi en RDC, incités par les politiques).


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