top of page
Photo du rédacteurJessica Mwiza

La lutte contre la négation du génocide est à la croisée des chemins

Dernière mise à jour : 29 oct.

Par Laetitia Tran Ngoc et Jessica Gérondal Mwiza,

un article initialement publié dans le "New Times Rwanda", le principal quotidien rwandais, en anglais.



Les Rwandais vivant ici, ou issus de la diaspora, comme nous, ont depuis longtemps l'habitude de lire des rapports, articles et autres "analyses" mêlant critiques acerbes du gouvernement rwandais, obsession des identités ethniques et réécriture inquiétante de l'histoire du pays. Par le passé, nous avons toutes les deux pris position dans le débat public de nos pays respectifs – la France et la Belgique – pour confronter et exposer ce discours. Aujourd'hui, nous vous écrivons pour tirer la sonnette d'alarme face à une réalité inquiétante : même si le Rwanda a gagné en crédibilité et en popularité sur la scène internationale, nous sommes sur le point de perdre la guerre médiatique.


Ne vous méprenez pas. Le Rwanda lui-même se porte bien. Ce que le pays a accompli n'est rien de moins que miraculeux, et il est très facile d'être fier d'être rwandais. Mais en tant que peuple, en tant que communauté, nous échouons. Dans cette nouvelle réalité où les faits importent de moins en moins, nous perdons le contrôle du récit. La menace grandit et nous ne réagissons pas de manière appropriée.


Un nouveau récit


Il n'y a rien de nouveau dans ces attaques. Pendant près de trois décennies, des allégations infondées ont régulièrement freiné nos progrès et porté atteinte à notre crédibilité internationale. Mais si les idées elles-mêmes ne sont pas nouvelles, l'espace dans lequel elles sont diffusées s'est transformé.

Les « polémiques » folles prospèrent, sans rencontrer de résistance dans les médias grand public, en partie à cause de l'ignorance du public international.

Des mots qui sembleraient si manifestement malhonnêtes à quiconque ayant une compréhension de base de notre histoire sont dévorés par des groupes facilement émus par le sentimentalisme. Les gens recherchent plus le drame que la vérité; un fait qui a été reconnu par les négationnistes et leurs partisans, qui portent leur agenda toujours plus haut : des amphithéâtres aux journaux en passant par les bureaux de politiciens.

Cela nous met souvent dans des situations où les gens ne croiront que ce qu'ils veulent croire et n'écouteront pas nos arguments même si nous leur exposons les preuves sous le nez.


Réécrire l'histoire a un but. Les ennemis et les détracteurs du Rwanda se sont consacrés à planter des graines qui remettent en question la légitimité de tout ce qui s'est passé au cours des 30 dernières années. Les fondements historiques d'événements bien documentés – en premier lieu le génocide contre les Tutsi – peuvent ainsi être remis en question, tandis que les négationnistes et les survivants sont présentés comme les deux côtés tout aussi légitimes d'un litige.


Manque de sensibilisation et d'engagement


Un autre problème que nous devons reconnaître est que les groupes qui s'intéressent à la réécriture de l'histoire sont mieux organisés et utilisent des tactiques plus sophistiquées.

Cela est dû en partie à un problème de sensibilisation. A moins d'être engagé dans ce combat au quotidien, il est difficile de se rendre compte de l'ampleur du problème et de ses ramifications. Parce que nous sommes confrontés à des attaques permanentes, il est facile de les considérer comme un quotidien indésirable et d'ignorer la gravité de cette menace. Nous tombons dans un état résigné, dans lequel nous considérons ces attaques comme inévitables ou pour la plupart inoffensives.


Nous sommes également clairement confrontés à un fossé générationnel. C'est particulièrement vrai pour notre génération et celle qui nous suit. La dévastation du génocide a contraint de nombreux Rwandais à se battre pour la justice après 1994. Aujourd'hui, seule une petite minorité d'entre nous semble considérer cela comme une priorité, et encore moins sont prêts à se battre pour cela. Les organisations militantes ont constaté une diminution de l'engagement.


À l'opposé de cette attitude, dans de nombreux pays, des groupes disparates mais vocaux s'unissent maintenant dans un regain d'hostilité envers le Rwanda. De notre côté, il semble parfois que les jeunes générations sont atteintes de somnambulsime tout en savourant les fruits du travail de leurs aînés. Dans ce contexte, il devient de plus en plus difficile pour les quelques personnes encore engagées contre les négationnistes et les révisionnistes de continuer la lutte.


Mais il ne peut y avoir d'action sans prise de conscience. Les dirigeants actuels - en particulier dans la diaspora - doivent faire plus pour sensibiliser, maintenir l'énergie du mouvement et doter les jeunes générations des outils nécessaires pour surmonter les obstacles auxquels elles seront confrontées.


Enfin, trop souvent – ​​et nous en sommes également coupables – nous nous concentrons sur les urgences quotidiennes. Notre espace cérébral est englouti par les pressions de la vie quotidienne, par conséquent, nous perdons le fil de nos objectifs à long terme. Martin Luther King Jr a dit un jour : "Ceux qui aiment la paix doivent apprendre à s'organiser aussi efficacement que ceux qui aiment la guerre".


Nous avons un immense challenge devant nous. Nos aînés en font-ils assez pour transmettre cette histoire et entretenir la flamme qu'ils ont autrefois allumée ? Notre génération en fait-elle assez pour apprendre et réfléchir ?


Que faire à présent ?


Dès le début, la reconnaissance du génocide s'est heurtée à la pression des génocidaires et de leurs partisans - qui ont activement cherché à travestir l'histoire. Les graines qu'ils ont plantées il y a 30 ans fleurissent maintenant. L'histoire se déplace à grande vitesse, tout comme la perception du public. Les négationnistes le comprennent parfaitement.

Nous sommes arrivés à un moment critique. Nous nous tenons maintenant là où deux routes divergent. Nous ne pouvons pas être complaisants ou sous-estimer l'ampleur de notre défi. Le simple fait de rester en retrait serait non seulement dangereux mais irresponsable. Nous avons besoin d'une action urgente avec la vitesse requise pour dépasser nos adversaires. Cela doit se faire avec un plan délibéré : nous avons besoin d'une stratégie ambitieuse et globale pour les 20 prochaines années.

Dans son discours du 7 avril de l'année dernière, le président Kagame a déclaré : « Les Rwandais d'aujourd'hui ont quelque chose de précieux à défendre. Cela exige une vigilance constante, ainsi qu'un engagement ». Depuis 1994, une génération d'hommes et de femmes courageux a transformé le pays. Que faire à présent ?


28 vues0 commentaire

Comments


bottom of page