Transmettre la mémoire du génocide contre les Tutsi est ma mission la plus importante.
Cela implique accompagner les personnes survivantes dans la transmission de leurs précieux témoignages. Cela implique lutter contre le négationnisme. Tout le temps, partout.
Nous n’avons de cesse de le répéter : nos actions n’ont pas vocation à rendre des élèves et étudiants « tristes », ou bien à leur dire que seule notre histoire est importante.
Nous ne souhaitons pas qu’ils rentrent chez eux avec des émotions dont ils ne sauraient que faire. L’objectif est réellement de leur apprendre à utiliser les émotions à bon escient. De leur faire comprendre que les crimes de génocides se ressemblent tous et se répètent inéluctablement lorsque la justice n’est pas rendue, que les complicités ne sont pas clairement exposées et punies, lorsque la mémoire est sciemment piétinée par certains.
L'objectif est de transmettre la mémoire, mais aussi d'aborder cette partie de l'histoire du Rwanda comme un cas d'école de l'idéologie française et européenne du racisme et du colonialisme. En partant des premiers jours, des premiers contacts entre les colons européens avec le peuple rwandais au 19ème siècle, pour cheminer vers la déstabilisation ultime du pays : la création factice d'ethnies, de races, et la déshumanisation , la tentative d'extermination des Tutsi dans le seul et unique but de dominer.
Le récit est complexe. Il ne s'agit pas d'effacer ce qui reste factuel : des rwandais Hutu ont tenté d'exterminer les rwandais Tutsi. Il s'agit de remettre de la complexité autour d'une histoire malmenée par certains écrivain.e.s, journalistes, politiques qui versent dans la réthorique raciste de l'Afrique intrinsèquement, naturellement violente et en guerre sans raison apparente.
Après l’exposé sur le Rwanda pré-colonial et l’histoire précise du génocide, j’interroge ces élèves :
- Est-ce normal que le gouvernement intérimaire du Rwanda, celui qui exécuta le génocide ait été formé en partie au sein de l’ambassade de France à Kigali, en toute connaissance de cause ? - Est-ce normal que la France n'arrête pas, ne juge pas, n'extrade pas les nombreux génocidaires vivant sur son sol tout en clamant son intérêt pour notre mémoire ? - Est-ce normal, qu’Agathe Kanziga, veuve du président Habyarimana & un des cerveaux du génocide vive tranquillement à Courcouronnes, en Essonne ? Qu'elle fut accueillie fleurs à la main ? - Est-ce normal qu’Alain Juppé reçut son homologue, ministère des affaires étrangères du gouvernement génocidaire rwandais ... en pleine exécution du génocide en 1994 ? Qu’il siège désormais au conseil constitutionnel ? - Est-ce normal qu’Hubert Védrine, Secrétaire Général de l’Élysée en 94 et clef de voute de la collaboration, se pavane de plateau en plateau, d'institutions en institutions pour distiller une fausse version de l’histoire ? - Est-ce normal qu’une grande partie des ONG « humanistes » passe son temps à soutenir les négationnistes, les génocidaires (et amis - familles de génocidaires) dans leurs story telling sur un double génocide imaginaire ? (Lire l’excellent « la trahison de human rights watch » de Richard Johnson)
Car le génocide ne se termine pas par la libération du Rwanda, son idéologie se perpétue par la négation, le complotisme nourri par celles et ceux qui espèrent encore échapper à la justice. En ce sens, notre histoire est un fait bien présent.
Une chose est certaine, ces citoyens en devenir ne dorment pas.
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